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Louise Michel

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Le cri du peuple      

 

   
louise michel

LOUISE MICHEL

Figure remarquable de la période révolutionnaire, Louise Michel est née en Haute Marne en 1830, à Vroncourt-la-Côte et est décédée en 1905 à Marseille lors d’une tournée de conférences. Elle obtient un « brevet de sous-maîtresse » qui correspond à institutrice, mais refuse de prêter serment à l’Empire. Elle ouvre alors une école libre pour dispenser un enseignement « républicain », selon ce qu’on appellera plus tard des méthodes actives. Puis elle enseigne à Paris où elle arrive en 1856 et devient directrice d’une école. Elle envoie des poèmes à Victor Hugo, collabore à des journaux d’opposition, fait la connaissance de Eudes, Rigault, Vallès, Ferré, s’engage dans l’action politique. On ne sait pas si elle a adhéré à l’Internationale. Très populaire dans le 18ème arrondissement, élue présidente du Comité de Vigilance, elle participe à l’insurrection.

Militante de la Commune, « le 18 mars, elle appela Montmartre aux armes » et devint « conférencière au club de la Révolution, ambulancière et soldat ». Elle se bat sur plusieurs fronts à Neuilly, Clamart, Issy puis Paris sur la barricade de la Chaussée Clignancourt. Arrestation, prisons, procès devant le 6ème Conseil de Guerre et condamnation le 16 décembre 1871 à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Elle « s’intéressa aux canaques, chercha à les instruire, applaudit à leur révolte » écrit Bernard Noël. Elle rentre à Paris le 9 novembre 1880 où une foule enthousiaste l’accueille gare Saint-Lazare. Pendant les 25 années qui suivront, elle va écrire, faire des conférences, promouvoir les idées libertaires et devenir « l’incarnation populaire de la Révolution ». Outre des poèmes, des contes, des romans populaires et des travaux sur la pédagogie, on retiendra ses Mémoires (1886) et La Commune. Histoire et souvenirs (1898). Des milliers de personnes ont accompagné le cortège funèbre de la gare de Lyon au cimetière de Levallois.

Jean-Luc

colonne Vendôme

Chute de la colonne Vendôme : extrait de photo de Disdéri.

LA COLONNE VENDÔME

Lors de l'insurrection de la Commune de Paris, le peintre Gustave Courbet adresse une pétition au gouvernement de Défense nationale le 14 septembre 1870 demandant « à déboulonner la colonne, ou qu'il veuille bien lui-même en prendre l'initiative, en chargeant de ce soin l'administration du Musée d'artillerie, et en faisant transporter les matériaux à l'hôtel de la Monnaie ». Il n'a en fait que l'intention de la faire reconstruire aux Invalides.

La Commune de Paris au pouvoir, les fins en deviennent plus radicales : « La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie. »

Le 16 mai 1871, la colonne est abattue, non sans difficulté. Les plaques de bronze sont récupérées.

Après la chute de la Commune, le nouveau président de la République, le maréchal de Mac-Mahon, décide en mai 1873, de faire reconstruire la Colonne Vendôme aux frais de Gustave Courbet (soit plus de 323 000 francs selon le devis établi). Gustave Courbet obtient de payer près de 10 000 francs par an pendant 33 ans, mais meurt avant d'avoir payé la première traite.

César

   
 

LES CLUBS

C’est une « société où l’on s’entretient des affaires publiques » d’après le Littré. Après la proclamation de la République qui apporte une liberté de réunion et de parole, de nombreux clubs sont créés à l’exemple de ceux de la Révolution française. L’originalité des clubs créés après le 18 mars est de mettre en pratique une démocratie directe.

Des clubs sont créés surtout dans les arrondissements du centre de la capitale. L’entrée était parfois gratuite ou coutait de 5 à 25 centimes pour les frais d’éclairage et de chauffage. Leur composition sociale est méconnue mais des artisans les fréquentaient et beaucoup de femmes également. Les lieux étaient variés : salles de classe ou d’université, salles de théâtres fermés, salles des fêtes ou de bal, voire des églises en soirée. Les réunions se tenaient le soir et étaient dirigées par un bureau comprenant un président et deux assesseurs élus, renouvelable régulièrement, tous les quinze jours mais parfois chaque soir. Une Fédération des clubs, visant à une organisation générale de ceux-ci, se mit en place de façon effective à partir du 15 mai, dont le bureau se réunissait chaque jour.

Les réunions débutaient par des communications concernant les séances précédentes, les nouvelles du jour, les décisions locales, puis des orateurs de passage ou des orateurs attitrés intervenaient avant des débats, et des délibérations puis des propositions mises au vote. Certaines discussions donnaient lieu à des violences verbales : les atrocités versaillaises, le clergé, les désertions de la Garde nationale…On en avait après la bureaucratie, ‘armée, la police, les monuments à la gloire du despotisme. Des sujets étaient prisés : la contestation du droit de propriété, l’affranchissement du travail et de l’impôt, le développement de l’instruction publique, l’émancipation des femmes, la lutte contre l’alcoolisme et la prostitution.

Les objectifs des clubs étaient l’éducation, l’information et l’expression. Ils revendiquaient « l’éducation du peuple par le peuple » avec des discussions autour de problèmes politiques immédiats ou généraux (exemples : Capital et travail, la Femme par l’Eglise et par la Révolution, etc.). Toutes les opinions s’exprimaient librement et permettaient d’apprendre à argumenter, à s’instruire, à penser. En matière d’information, les participants étaient tenus au courant de la vie de l’arrondissement et de la ville, de la guerre contre les versaillais et des décisions de la Commune. Ces dernières étaient discutées et critiquées. Cette expression populaire pouvait donner lieu à des motions qui étaient transmises à l’Hôtel de ville car des représentants de la Commune ne pouvaient assister à chaque réunion des clubs. Il s’ensuivit des décisions à partir de propositions venues des clubs au sujet des salaires, des hôpitaux, du ravitaillement (création de boucheries municipales).

 

 

ORGANISATION DU POUVOIR EN COMMISSIONS

Au lendemain de son installation à l’Hôtel de ville de Paris, le Conseil de la Commune, « tout en se considérant comme une assemblée municipale, eut à faire face à des tâches gouvernementales » écrit Bernard Noël. Il met en place des commissions, composées de membres du Conseil, élus par lui-même. Ces commissions vont fonctionner comme des ministères avec des attributions précises.

Une commission exécutive assure plus ou moins la liaison entre les neuf commissions mises en place, et est chargée de faire appliquer les décrets de la Commune et les arrêtes des autres commissions.

Les neuf commissions sont les suivantes : des Finances, Militaire, de la Justice, de la Sûreté générale, des Subsistances, du Travail - Industrie et Echange, des Relations extérieures, des Services publics, de l’Enseignement.

La commission exécutive réunira les délégués des neuf commissions, nommés par la Commune à la majorité des voix, qui se réuniront de façon quotidienne pour prendre des décisions à la majorité des voix. Ce « conseil des ministres » collectif, destiné à constituer un pouvoir directeur fort pour la Commune, pouvait prendre des mesures d’urgence. Devant le peu de force de cette commission et constatant les échecs militaires répétés, le Conseil de la Commune réuni le 1er mai vote, par 45 voix contre 23, la création d’un Comité de Salut Public de 5 membres dont les fonctions n’ont pas été clairement définies.

Des abstentionnistes ont refusé de soutenir la proposition d’un tel comité, dont le titre plagiait celui utilisé par la Révolution de 1789 et 1793, rappelant ses violences et « une institution dictatoriale incompatible avec le principe essentiellement démocratique de la Commune ». Cette instance crée une scission au sein du Conseil de la Commune et n’apporte pas les solutions espérées. De plus les revers militaires se multiplient et ce n’est qu’après le 10 mai, suite à quelques changements de membres et une autre organisation des services militaires que l’action fut plus efficace. Toutefois, la délégation du pouvoir exécutif à un organe centralisateur trahit les principes défendus jusque là mais représente le souhait d’une majorité.

 

 

LE CRI DU PEUPLE

Ce journal politique quotidien, tel qu’il se définit, est une feuille grand format avec cinq colonnes par page, vendu 10 centimes. Jules Vallès en est le rédacteur en chef. Le 1er numéro paraît le 22 février et le journal est interdit le 11 mars avant de reparaître le 21 mars. Il paraît régulièrement pendant toute la Commune jusqu’au n°83 du 23 mai 1871. Vallès n’y écrira plus après le 19 avril, trop pris par ses charges pour le Commune. Ses autres rédacteurs sont aussi engagés : président de section dans une mairie, commandant d’un bataillon. Pierre Denis, militant proudhonien, fournit nombre d’articles idéologiques, dont certains détaillent le programme communal et analysent l’actualité. Les articles de Jean-Baptiste Clément, aussi chansonnier (auteur du Temps des cerises en 1867) relèvent du pamphlet. Le Cri du peuple soutient la minorité contre le Comité de Salut Public mais les derniers numéros appellent à l’union car l’objectif du journal est « le triomphe de la Révolution ».

   
nathalie lemel

Nathalie LEMEL,

Le texte suivant a été publié par le site internet Increvables anarchistes Nathalie Lemel ne ressemble guère au portrait de la communarde que les écrivains bien pensants n'ont cessé de proposer. Nathalie Lemel, ce n'est point cette gaillarde surexcitée, buvant sec, la pire injure à la bouche, prenant un plaisir malsain à commander des tueries. Et pourtant c'est bien une communarde, et l'une des plus actives, et l'une des plus héroïques. Malheureusement pour parler d'elle cent ans après, on ne dispose guère de documents. Elle ne paraissait pas destinée à la résistance ouvrière et politique par son origine, par son vécu d'enfant, d'adolescente. Ses parents, aisés, tenaient un café à Brest et l'élevèrent « avec assez de soins », c'est-à-dire qu'elle dut sans doute aller dans une école religieuse pour y apprendre à lire dans un recueil de prières et ensuite s'initier à la couture. Elle se marie en 1845 (elle a 19 ans) avec un ouvrier relieur, Jérôme Lemel avec qui elle a trois enfants. Le couple quitte Brest, sa ville natale, en 1849, pour aller s'installer à Quimper où elle tient une librairie. C'est là sans doute que commence à se nouer le destin de Nathalie. Elle vend des livres, elle a sans doute la curiosité, déplacée, de les lire, et son horizon s'élargit; elle se pose des questions, elle a envie de discuter de ce qu'elle voit; elle sort de son rôle de femme, donc elle prend « des allures d'indépendance ». Elue au syndicat des relieurs. Une fois à Paris, sortie du carcan provincial et religieux, obligée par manque d'argent d'apprendre et d'exercer un métier, celui de relieuse, Nathalie va évoluer beaucoup plus vite. D'autant qu'elle se trouve brusquement dans un climat de surchauffe politique. C'est la période où les travailleurs vont constituer -en 1864- une Association internationale, où des grèves vont éclater un peu dans tous les secteurs ; et en particulier dans celui où elle travaille. En août 1864, une grève longue et très dure est menée par les ouvriers relieurs de Paris; parmi eux, un militant de pointe, Eugène Varlin. Nathalie est parmi les grévistes. Et, lorsque l'année suivante, une nouvelle grève sera décidée, elle sera du comité de grève et ensuite élue déléguée syndicale, ce qui constituait une véritable révolution pour l'époque, dans le milieu ouvrier encore sous l'influence de Proudhon qui reléguait les femmes au foyer ou sur le trottoir. C'est que Nathalie Lemel avait dû montrer sa ténacité, son sens de l'organisation dans ces luttes vraiment héroïques car c'était la faim et la misère qui menaçaient à brève échéance les travailleurs en grève. Nathalie s'inscrit bien vite à l'Internationale et prend une part de plus en plus active à la résistance contre le Second Empire. « Elle s'était fait remarquer par son exaltation, écrit le commissaire de son quartier, elle s'occupait de politique ; dans les ateliers, elle lisait à haute voix les mauvais journaux ; elle fréquentait assidûment les clubs ». En somme, une femme perdue. Elle quitte le domicile conjugal en 1868 : l'exaltation de ses opinions politiques et les discussions auxquelles elle se livrait continuellement auraient été pour beaucoup dans cette séparation et le mari s'était mis à boire. Libérée de ses entraves conjugales, Nathalie va pouvoir se consacrer plus intensément à ses activités militantes. Avec Varlin et quelques autres relieurs, elle crée une coopérative d'alimentation, la Ménagère, puis, à partir de 1868, une sorte de restaurant ouvrier, la Marmite. Elle y est caissière, secrétaire ; elle loge sur place pour être plus efficace. Cette idée de coopérative a un tel succès que trois autres restaurants s'ouvrent, regroupant environ 8 000 travailleurs. On y mange bien, des choses saines, abondantes ; on se retrouve entre soi, on peut discuter, lire les mauvais journaux, hors du regard des argousins de Napoléon III. Bien entendu, Nathalie va participer pleinement à la Commune de Paris. Déjà pendant le siège par les Prussiens, pendant ce terrible hiver 1870, elle avait tout fait pour distribuer à manger, préparer les repas dans les restaurants de la Marmite. Mais le 18 mars, quand le drapeau rouge flotte sur l'hôtel de ville, elle va pouvoir oeuvrer de façon vraiment constructive. Les femmes ne sont pas éligibles à la Commune ? Qu'à cela ne tienne, elles constituent leur structure à elles qui leur permettra de se regrouper, de débattre des problèmes du travail, d'ouvrir des ateliers. Et c'est la création le 11 avril 1871 de l'Union des femmes, que Nathalie Lemel a mise en place avec Elisabeth Dmitrieff et un groupe d'ouvrières. Cette union, très structurée, dont le manifeste-programme est un des textes les plus avancés de cette période, va donc commencer dans les quartiers populaires -les autres ont été désertés- son action d'information, d'aide, de regroupement. Des clubs sont créés où les femmes prennent une parole précise, énergique, très réaliste. Après le 18 mars, on la vit parcourir les clubs de femmes, y prendre la parole et y prêcher dans un langage excessivement violent les théories les plus subversives. Le temps des barricades Nathalie, avec une centaine de femmes, se replie des Batignolles vers la place Blanche, puis vers la place Pigalle. Pendant des heures, elles font le coup de feu pour tenter d'arrêter l'assaillant versaillais. Un témoin dira : Rentrant chez elle le 23 mai, les mains et les lèvres noires, couverte de poussière, elle disait avoir combattu 48 heures sans manger et elle ajoutait avec beaucoup d'animosité : « Nous sommes battus, mais non vaincus. » Nous la retrouvons aussi indomptable devant le conseil de guerre. Elle assume fièrement toutes les responsabilités de son action révolutionnaire, comme Louise Michel. Et toutes deux, condamnées à la déportation, seront jetées dans le même bateau pour être livrées aux autorités du bagne de Nouméa. Mais là encore elles ne s'avouèrent pas vaincues, puisque dès leur arrivée en Nouvelle-Calédonie elles refusent un traitement à part, parce que, disent-elles : «Nous ne demandons ni n'acceptons aucune faveur et nous irons vivre avec nos co-déportés dans l'enceinte fortifiée que la loi nous fixe» En 1880 c'est la loi d'amnistie, le retour en France des communards. Nathalie, âgée, éprouvée par ses années de déportation, trouvera un emploi manuel dans l'imprimerie; et sans être une militante de pointe comme Paule Minck ou Louise Michel, elle continuera à suivre les événements, à évoquer les grands jours de la Commune et à intervenir tout particulièrement pour défendre les conditions de travail des femmes. Nathalie Lemel, c'est vraiment la communarde comme on en vit des milliers sur les barricades : venues de province, ouvrières pour la plupart, acquérant une conscience politique en tant que femmes travailleuses doublement exploitées, allant jusqu'au bout et très souvent jusqu'à la mort, pour sauver la Révolution qui leur apparaissait la seule voie possible pour la libération des femmes.

   
andreleo

Andrée LEO,

ou Léodile Champseix, née en 1824 à Lusignan en qui on avait cru trouver sous le Second Empire l’héritière de George Sand, a finalement été oubliée. Rejetée de la société bourgeoise pour sa participation à la Commune et par conséquent de son principal lectorat, elle n’en a pas pour autant été reconnue ensuite comme une personnalité importante du mouvement ouvrier, compte tenu de ses conflits successifs avec certains de ses grands acteurs tels Marx et Bakounine. Figure de proue du féminisme à la veille de la Commune de 1871, elle s’est coupée de ce mouvement aussitôt après cette Révolution. Trop raisonnable, André Léo n’a pu bénéficier, au regard de la mémoire, du succès médiatique de son amie Louise Michel. L’écriture comme arme révolutionnaire  ? En effet, il est bien sûr possible d’affirmer qu’André Léo, volontiers désignée comme une “ femme de lettres ”, a été l’une des très grandes écrivaines du XIXe siècle, injustement méconnue. Elle a produit une grosse quinzaine de romans, des contes pour petits et grands, quelques essais et beaucoup d’articles, ces derniers ayant permis de lui conférer le titre de “ grande journaliste ”. Son véritable premier ouvrage, Un mariage scandaleux (1862), remarqué par la critique, lui a apporté une notoriété certaine à l’époque. On avait classé cette œuvre de 500 pages, qui avait pris pour cadre le Poitou, comme étant un roman de mœurs. On avait cru, au début de sa “ carrière ” qu’André Léo maniait l’art littéraire alors qu’en réalité l’écriture était pour elle une arme. On avait voulu voir en elle une bourgeoise libérale tenant un aimable salon parisien, elle allait s’engager sur ses propres bases dans le mouvement révolutionnaire à la fin de l’Empire. Ses articles dans Le Droit des femmes, le journal féministe de Léon Richer, son “ essai ” d’envergure, La femme et les Mœurs, Monarchie ou Liberté, et son roman, soit disant “ scandaleux ”, Aline Ali, révélaient en 1869 au grand public son combat pour l’émancipation de la femme, donc son féminisme, et sa participation aux activités de l’Internationale en 1870 son socialisme. André Léo la Communarde. Cette double bataille, qui pour elle relève de la logique historique et va l’entraîner dans “ la guerre des prolétaires ”, va ruiner définitivement sa “ carrière littéraire ”. Certes elle continuera d’écrire jusqu’à sa mort à la fin du siècle, fera de nouveau partie de La Société des gens de lettres, mais on ne lui pardonnera jamais, dans la bonne bourgeoisie, d’avoir été communarde. Le socialisme de Léodile Champseix, lisible dans ses articles et ses livres jusqu’à Coupons le câble (1898) et même dans son testament, où elle propose de partager ses biens entre les plus pauvres pour établir une communauté, n’est pas une simple haine de la bourgeoisie, puisqu’il vise aussi à éduquer le peuple et ses enfants, filles ou garçons, sur les bases de la morale républicaine issue de 89. Cette référence incessante à la “ grande révolution ” qu’il faut reprendre au niveau du Droit, mais aussi cette volonté de transmettre le “ vrai savoir ”, expliquent son ralliement à la Commune, en avril 1871, Révolution dans laquelle elle va jouer sa propre partition. Il y a du franc tireur chez cette cérébrale : elle ne suit personne et pense toute seule, de façon encyclopédique. Sous la Commune, dans ses éditoriaux de La Sociale, nous retrouvons ces facultés analytiques - elle est l’une des rares, sinon la seule, à essayer de penser l’Evénement, y compris dans ses graves insuffisances, mais aussi à chercher des solutions pour éviter la tragédie. Persuadée de l’opportunité d’une reprise du mouvement révolutionnaire féminin, elle appelle les femmes à rejoindre dans leur juste lutte “ les soldats de l’idée ”, c’est à dire les gardes nationaux fédérés qui se battent militairement contre Versailles, tout en interpellant fortement les différentes autorités révolutionnaires. Elle ira, pour sauver cette Révolution si particulière, jusqu’à soutenir Rossel, cet officier d’active devenu un moment le Délégué à la Guerre de la Commune. Il est vrai que celui-ci, tout comme ses amis Reclus, est un huguenot, ce qui n’est pas pour déplaire à cette “ puritaine ”. Si André Léo fait très vite - dès mai 1871 - un bilan critique de ce qui se passe au niveau politique, en mettant notamment en cause les jacobins, les blanquistes mais aussi les aventuriers de toutes sortes, elle a surtout le mérite d’être l’auteur de l’un des textes les plus importants du moment “ l’appel au travailleur des campagnes ” qui vise à intéresser les petits paysans à ce qui se déroule à Paris, cette “ ville intelligente ”. André Léo n’est pas une passionaria des clubs, elle n’est pas non plus une représentante de la province dans la capitale. Le monde rural qu’elle a disséqué socialement n’était pas merveilleux pour elle, loin de là. Elle est d’ailleurs morte en 1900 dans la banlieue parisienne, à Saint-Maurice. On a pu dire qu’André Léo était socialiste voire communiste - pour certains penchants partageux sans doute - mais il faut bien reconnaître qu’en fin de compte, elle ne s’est insérée dans aucune école. Elle s’est séparée une première fois de Bakounine à la fin du second Empire parce qu’elle posait ses conditions personnelles, ce qui l’a fait qualifier de “ socialiste bourgeoise ” ; elle s’est ensuite, aux lendemains de la Commune, violemment heurtée à Marx parce qu’elle le soupçonnait de “ bismarckisme ” . Restée féministe, elle n’a pas repris contact avec ce mouvement qui avait plus ou moins condamné la Commune. Elle ne renia jamais la Commune dans son esprit de démocratie à la base tout à fait humaniste - voir entre autre textes les 191 pages de La Commune de Malenpis (1874) - ce qui, dans sa logique, n’était pas incompatible avec une lutte continuelle pour l’éducation, comme le prouve l’un de ses derniers ouvrages La famille Audroit et l’éducation nouvelle (1899, 215 pages). En effet, cela ne l’empêchait nullement de se prononcer très clairement contre toutes les formes d’exploitation, de la plus brutale à la plus subtile. Quelle utopie, quelle modernité ? Pour conclure sur André Léo, on pourrait, pour reprendre les mots clés de l’un des derniers livres parus sur la Commune, s’interroger sur son utopie ou sa modernité. En ce qui concerne son utopieon peut souligner cette recherche d’une société plus pure et bien entendu imaginaire. Il y a là une foi pourtant cruellement démentie par les dures réalités. Et l’on comprend le versant pessimiste d’un certain nombre de ses réflexions car, malgré sa croyance scientiste dans le progrès, et ses aspirations vers une “ religion humaine ” qui fleurent quelque peu le discours franc-maçon, elle désespère parfois du genre humain, l’amour et la fraternité n’étant pas toujours au rendez-vous. Sa modernité réside dans le doute qu’elle développe volontiers vis-à-vis des pouvoirs, qu’ils soient publics ou privés. La souveraineté des personnes n’existe, en politique comme en amour, qu’au prix d’une vigilance de tous les instants ; cela est toujours le cas aujourd’hui. Donc, s’il y a une leçon à retenir de “ l’institutrice ” André Léo, c’est bien celle-ci. Elle est à coup sûr d’essence communarde. la grande Communarde féministe

Extrait du Bulletin Archives du féminisme, n° 7, juillet 2004 Article paru dans le n° 13, décembre 2000, du Bulletin de l’association des amis de Benoît Malon. Alain Dalotel